« Joli minou, joli minois, belle proie. » PV.

La nuit, c'est le berceau des ténèbres. La nuit, elle est le royaume de l'astre mystique qu'est la lune. Une lune pleine, ronde, parfaite pour alimenter les peurs, les légendes et empêcher plus d'un mortel de dormir. J'avais faim. Terriblement faim. Dans une ville emplie de mortels, c'était plutôt embêtant, et luter ne serait pas efficace longtemps. Mes veines, douloureuses, et ma gorge, en feu, me faisait pencher vers une folie sanglante. Il fallait que je sorte, que je marche.

Enfiler une tunique ne fut pas long, rouge sang, elle s'assortissait à merveille avec le jean moulant et les chaussures à talons noires. Pas besoin de faire plus recherché, je ne sortais pas pour m'amuser, mais pour me nourrir. Il valait mieux que je me rende dans le quartier Est, si je voulais qu'il ne semble pas surprenant de trouver des cadavres. Je m'en voulais de projeter cela.. moi qui tentait le régime végétarien, je n'étais pas très fidèle aux règles, seulement la forêt était trop loin, je ne tiendrais pas jusque là. Il me fallait une ration de sang, vite. Profitant de l'heure tardive, je filais en direction de ma destination lorsque, au beau milieu du quartier Nord, une odeur alléchante attira mon attention. Mon regard s'assombrit instantanément, passant du bleu déjà sombre à la couleur du ciel, la couleur de la nuit.. j'avais tellement faim.. agiter un parfum pareil sous mon nez était inhumain.

La discrétion féline est utile, lorsque l'on traque une proie, et durant de longues minutes, je suivis le mortel avec avidité. Dieu qu'il avait l'air innocent, à balader ainsi son horrible caniche. Enfin, je supposais qu'il appartenait à sa mère, un homme n'aurait certainement pas ce genre d'horreur rose comme animal de compagnie. Les pensées divaguant, je ne prêtais même plus attention à la distance, si bien que mes pas se firent moins lents, et que le chien finit par flairer ma présence. « - Dolly, qu'y a-t-il ? » interrogea l'être humain, à l'attention de l'animal, ce qui s'avérait stupide, il n'aurait pas de réponse verbale. Figée derrière, je fixais la bête avec insistance, le maître se retournant enfin. « - Mademoiselle ? Vous avez besoin d'aide peut-être ? » Il me parlait, mais pour toute réponse, il eu le regard assassin du chasseur ayant trouvé sa proie. Me déridant un peu, je dis un sourire angélique avant de m'approcher du bonbon teint en rose : « - Comme elle est originale ! » « - C'est vrai, mais elle semble énervée, la lune sûrement. » répondit-il à ma remarque.

Il ne fallut pas plus de deux minutes pour que j'attrape l'animal par la gorge pour le vider de son sang. Ce n'était pas des plus gastronomique, mais cela suffirait à me rassasier, et ça épargnait le mortel qui hurlait à présent comme un fou échappé de l'asile. « - Pars, si tu tiens à la vie. » ordonnais-je d'une voix persuasive, suffisante pour le faire partir, prenant ses jambes à son cou. Je me sentais déjà mieux, mais un vrai festin n'aurait pas été de trop.. avec ceci, je pourrais filer vers la forêt.

Toutefois la porte de la maison la plus proche s'ouvrit. Il avait attiré quelqu'un avec ses cris, l'innocent. Métamorphose instantanée nécessaire, le chat noir aux yeux bleus clair prit ma place non loin du cadavre canin. Le minois d'une bel angora noir pouvait toujours être utile, et l'odeur émanant du nouvel arrivant semblait plus délicieuse encore que celle du précédant. D'un joli miaulement, je tentais d'attirer son attention vers moi..

Depuis combien de temps étais-je revenu à Sheridan ? Trop longtemps, je crois. Du moins suffisamment pour enterrer mon père, rendre visite à ma mère et la féliciter chaleureusement d'avoir enfin levé le petit doigt - et pressé l'index sur la détente – et avoir eu des envies de meurtres sur mon jeune frère. Ah, l'innocence de la jeunesse. Tu parles. Mais au final, je n'étais pas tellement à plaindre. Assis devant ma télé, une bière à la main, à regarder des joueurs de football se piétiner avec talent, je suppose qu'il y avait plus misérable que moi. Non, ce qui m'irritait le plus, en réalité, était d'avoir renoncé à la promesse que je m'étais faite deux ans plus tôt: celle de cesser la chasse. Peut être était ce là une chose que je faisais plutôt bien, mais on m'avait prévenu: les temps avaient changé. Tous les vampires ne semblaient plus obnubilés par les humains, certains tentaient de se contenir. Mais moi, je n'étais pas certain de vouloir me contenir face à eux. Pourquoi épargner ces immondes créatures, quand on connaissait le mal qu'ils étaient capables d'engendrer ? Bien entendu, il y avait des exceptions à toute chose, mais je ne voulais pas en entendre parler. Pas maintenant, du moins. C'était trop tôt.

Les publicités arrivèrent, juste le temps pour moi de finir ma bière, et me lever pour aller en chercher une nouvelle. Décidément, je ressemblais à une larve... Mon frère n'était pas là, peut être en cours, peut être pas, vu l'heure tardive, mais dans tous les cas, il prenait l'air, et j'aurais mieux fait d'imiter son exemple. Mais la perspective de mettre un pied dehors n'était pas pour me ravir. J'avais la désagréable manie de scruter tous les visages, à la recherche d'un signe quelconque prouvant qu'ils n'étaient plus humains... Les réflexes d'antan refaisaient surface lentement. Voyez ce que ces créatures avaient fait de moi: un être presque paranoïaque, se méfiant sans cesse, parce que baisser ma garde pouvait me conduire à une mort certaine... Je n'étais personne, et ça m'allait très bien, pendant deux ans loin de Sheridan. Et désormais de retour, il me fallait affronter de nouveau mes cauchemars passés. Tuer ou être tué, n'était ce pas désolant?

Un bruit me fit sursauter, tandis que ma tête était à moitié rentrée dans le frigo pour attraper le pack de bières. Dans l'élan, le sommet de mon crâne alla percuter le haut du frigo, m'arrachant immédiatement une quantité astronomique de jurons. Non, je n'étais pas la personne la plus polie du monde. Rien à foutre. Me massant le crâne et y apposant la bouteille fraîche que je venais de récupérer, je sentais la douce sensation du froid calmer la douleur lancinante. Ma récente mésaventure avec le frigo ne m'en faisait pas oublier le bruit suspect que j'avais entendu pour autant. Après avoir décoché un monumental coup de pied dans la porte pour la refermer, je me retournais vers la télévision, persuadé que le bruit venait de là. Bien au contraire, je ne voyais que des joueurs qui s'animaient sur le terrain, et les seuls cris qu'on entendait étaient les encouragements furibonds de supporters en délires. Aussi, après avoir réalisé que la télévision était hors de cause et que j'avais raté les premières secondes de la reprise du jeu, j'allais bien tranquillement vers la porte, posant ma bière sur le comptoir de la cuisine, et m'éclipsant au dehors. La pénombre était presque totale. En fait, seuls les faibles lueurs des réverbères me rappelaient que j'habitais en ville. Le quartier n'était pas le plus chic, loin de là. Après le quartier Est, on désignait le quartier Nord comme l'un des endroits à éviter, la nuit en particulier. J'étais peut être l'un des rares à en connaître les vrais dangers, mais je ne considérais pas cela comme un privilège. Quoi qu'il en soit, je regardais de droite à gauche dans la rue, jusqu'à ce que mes yeux se posent sur un chat dont les miaulements me parvenaient faiblement. A défaut de distinguer l'animal qui faisait ton sur ton avec les couleurs de la nuit, c'étaient ses yeux qui m'intriguaient. Deux prunelles brillants dans la pénombre, et se fixant sur moi pour une raison qui m'échappait. Ce chat me mettait mal à l'aise. Ridicule, je sais bien. Il me fallut quelques secondes pour réaliser que l'animal n'était pas le seul présent dans cette rue. Une forme inerte, à ses côtés, me rappeler l'étrange horreur que possédait l'un de mes voisins au bout de la rue. Il osait appeler cela un chien, pour moi il s'agissait davantage d'un saucisson à pattes. Le genre de créatures qui devait faire honte aux autres chiens, j'imagine... Quoi qu'il en soit, intrigué, je refermais la porte de chez moi d'un geste brusque, tout en m'assurant que j'avais un peu de verveine sur moi. Question d'habitude qui ne me quittait plus depuis mon retour. Encore un réflexe qui n'avait pas tardé à réapparaître.
Descendant les quelques marches qui séparaient le perron de la pelouse défraîchit du jardin, je ne lâchait pas ce chat et cet peluche rose du regard. J'arrivais rapidement à leur hauteur, délaissant le chat quelques instants pour accorder mon attention au chien... Ou a ce qu'il en restait. Si ce chien avait jadis été rose, pomponné au possible, c'était visiblement du passé. Quelques tâches de sang sur son poil autrefois impeccable me laissaient dire que cet animal ne s'était pas juste effondré là, mort. Je feignais de ne pas comprendre. J'avais déjà vu cela, auparavant. Des corps humains à l'expression horrifiée, vidés de leur sang. Et ce chien au regard vide semblait pourtant avoir succombé au même mal. Je ne pouvais imaginer autre chose qu'un vampire, en cet instant. ▬ « Oh, merde ! » fut tout ce qui me vint à l'esprit pour qualifier la scène. Détournant mon regard du chien, ce fut le félin qui retint mon attention. Il était toujours là, ma présence ne l'ayant nullement incité à fuir. Manque de chance pour lui, je n'étais pas d'humeur à distribuer quelques caresses. Aussi, lui lançant un regard agacé qu'il ne comprenait probablement pas, j'ajoutais un simple ▬ « Vas voir ailleurs si j'y suis, boule de poils! » d'un ton sec qu'on employait souvent pour faire fuir les animaux. Même si mon petit doigt me disait que celui ci était trop étrange pour être ordinaire...

▬ « Vas voir ailleurs si j'y suis, boule de poils! » S'il pensait m'effrayer avec cette attitude, c'était raté. Je n'aimais pas être traitée comme un vulgaire animal, même sous une forme féline, après tout je restais un beau chat, alors, après un miaulement désapprobateur face à ses paroles, je fis un demi tour pour me diriger lentement à l'opposé de la maison..

« - Je ne suis pas sûre qu'il soit judicieux de parler ainsi à un pauvre animal sans défenses.. » ma voix s'était élevée d'un coin obscur vers lequel je me suis réfugiée pour changer de forme. Je n'étais plus assez puissante pour garder cette apparence des heures entières. Alors ma forme originelle prit place contre un mur, les bras croisés, le bleu de mes yeux planté sur le jeune blond au fumet délicieux. Me décollant de la surface froide, je vains le rejoindre dans la faible lumière des réverbères, d'un pas étrangement félin, avec cette attitude que nous, vampires, étions les seuls à posséder.. ces gestes gracieux qui savent charmer sans difficulté. « - Le voisin risque d'être triste de voir Dolly dans cet état.. vous ne comptez pas lui ramener le cadavre ? Il mérite pourtant une sépulture digne de son extravagance.. » Je m'amusais de l'inutilité de la remarque, n'importe qui aurait laissé ce pauvre clebs à cet endroit tant il avait l'air snob et digne de vieilles dames refusant les ravages du temps. Passer devant lui fut d'une facilité déconcertante, si bien qu'en un rien de temps, je finis par m'appuyer contre la porte d'entrée sans le lâcher des yeux.

Le silence de la rue n'était interrompu que par les battements de son coeur et son souffle, douce mélodie à mes oreilles. J'aurais aimé planter mes dents dans son cou à la tendre cher, goûter à son sang chaud et revigorant, toutefois je me forçait à rester en place toujours consciente que je n'étais pas ici pour ça, et que j'avais déjà dépassé bien des limites. Je ne savais pas trop ce que j'attendais de lui, une réaction c'était certain, mais il n'avait pas l'air d'être le genre d'homme à se laisser impressionner, et encore moins à montrer sa peur. J'étais certaine qu'il connaissait les dangers de la nuit, il avait fermé la porte par réflexe, ce qui semblait signifier une habitude de Sheridan. Que faire ? Savourer encore la douce symphonie de son coeur en imaginant le délice de sa peau sous mes canines ? Voilà que je repartais dans des délires sanglants. Dire quelque chose pour ne pas se laisser emporter par les instincts, c'était un dernier recours.

« - Vous comptez passer la nuit dehors, peut-être.. » conclus-je en ne percevant aucune réaction significative face au blocus de sa porte. Je serais bien entrée, mais sans y être invitée, cela restait impossible. C'était d'ailleurs un obstacle particulièrement gênant à la traque, d'où le fait que je préfère rester là, pour contempler les veines battre dans son cou, ses poignets également. Je me demandais s'il aurait le cran de tenter une offensive ou s'il se contenterait d'attendre une occasion pour me forcer à battre en retraite.. j'avais tout mon temps après tout, mais je me lassait vite face à l'immobilité d'une proie.

Son regard ancré dans le mien, comme autant de promesses de dangers à venir... Était ce si ridicule de craindre un regard ? Durant mes longues années à Sheridan, j'avais apprit à me méfier de tout, et de tout le monde. Même un chat ne devait pas échapper à la règle, et encore moins celui ci. Les animaux ressentaient le danger, or, celui ci errait près d'un cadavre, et s'il était déjà avec Dolly lorsque le caniche était en vie, alors il semblait bien intrépide: un chien et un chat n'avaient jamais fait bon ménage. Quoi qu'il en soit, il fit demi tour, même si j'avais plus l'impression qu'il me tournait le dos pour me montrer son indifférence qu'une éventuelle crainte. Qu'importe, le résultat était là. Mais à peine le chat parti, une voix froide s'extirpa de la pénombre. ▬ « Je ne suis pas sûre qu'il soit judicieux de parler ainsi à un pauvre animal sans défenses...  » Je relevais la tête, cherchais sa provenance, pourtant persuadé de n'avoir entendu aucun talon résonner dans les rues alentours. Cette nuit ne semblait pas vouloir en finir avec les situations troublantes. Plus que jamais, j'étais sur le qui vive, et même lorsque le visage de mon interlocutrice m'apparut, je refusais de laisser transparaître la moindre émotion. Et pourtant, qu'elle était belle, cette femme aux boucles dorées. Une allure féline et un regard qui me rappelait étrangement celui du chat qui venait de s'éclipser dans sa direction... Je n'étais pas stupide, j'avais fait le rapprochement. Cette femme, à tous les coups, n'était pas comme les autres. Elle était l'une de celles qu'habituellement je traquais. Mais les mots de mon mentor résonnèrent une fois de plus à mes oreilles: les temps avaient changé. Tous les vampires n'étaient plus susceptibles d'être abattus. Aussi, avant d'entamer quoi que ce soit, il me fallait attendre, comprendre. Et survivre, si possible. Mine de rien, et parce qu'il valait mieux lui donner le temps de parler plutôt que celui de me dévorer tout cru, je répondais à sa remarque, avec la fougue habituelle qui me caractérisait. Vampire ou pas, je ne me privais jamais de dire ce que je pensais. Sa beauté surnaturelle n'allait certainement pas changer cette part de mon être. ▬ « C'est un chat, et ce ne sont que des mots. Attendez que je lui mette un coup de pied, et là, on en reparlera. » J'avais employé un ton plutôt sarcastique, mais je n'avais pas caché mon agacement pour autant... Nous savions tous les deux que ce chat n'était pas un simple chat. Et si je l'avais su plutôt, si j'avais laissé parler mon instinct qui me disait de m'en méfier, alors à coup sûr, elle et moi n'aurions pas cette discussion à cette instant. Mais mon radar en matière de danger avait eu deux ans de repos, et il semblait se remettre en marche assez doucement...

Je n'osais pas la fixer trop longtemps. Je connaissais le pouvoir hypnotique des vampires. Ce charme constant qu'ils dégagent, cette beauté sensuelle qui s'échappe d'eux, et qui ensorcellent les simples mortels. Combien s'étaient fait prendre au piège, avaient succombé à l'illusion? Je ne tenais pas à être le prochain sur la liste. Aussi, tout en la surveillant du coin de l'oeil, je posais mes yeux sur l'animal à terre. Chose qu'elle remarqua certainement, puisqu'elle enchaîna aussitôt. ▬ « Le voisin risque d'être triste de voir Dolly dans cet état.. vous ne comptez pas lui ramener le cadavre ? Il mérite pourtant une sépulture digne de son extravagance...  » Elle maniait les phrases avec soin, probablement consciente de l'effet que produisait son espèce sur la mienne... Et pour ne pas repenser aux charmes de sa voix, je décidais de répondre à mon tour, laissant un minimum de temps entre nos échanges. ▬ « Alors que celui qui a massacré cet animal rapporte lui même son corps à son maître? Vous avez vu quelque chose, peut être ? » Le sourire forcé que j'affichais en disait long sur mes pensées. Je voulais qu'elle comprenne que je n'étais pas l'un de ces crétins qui s'affichent en pleine nuit, inconscients du danger qui rôde. Si elle s'en était prit à ce chien sans rencontrer de difficultés, il fallait qu'elle sache que se mesurer à moi ne serait guère judicieux. Tourner autour du pot n'était pas ma spécialité. La patience me faisait défaut, et attendre sans pouvoir agir m'insupportait véritablement. La tuer ou non, il me fallait savoir.

Elle passa devant moi, ignorant mon regard posé sur sa peau de porcelaine, et s'appuya contre la porte de ma maison... Me bloquant le passage, du moins pour l'instant. Visiblement maligne, cet ange déchu. Mais je n'étais pas impressionné. J'avais vu pire qu'une femme me bloquant la route. J'avais affronté des créatures de son espèce qui n'avaient même pas prit la peine d'échanger trois mots avec moi. C'était d'ailleurs assez troublant, de l'entendre discourir ainsi. Que cherchait elle ? Jouer avec moi, me tester ? A moins qu'elle n'ait eu une autre idée derrière la tête. Comme celle de me faire comprendre qu'attaquer ce chien montrait qu'elle n'attaquait pas les hommes? Il était encore trop tôt pour l'innocenter. Aussi, je n'avais qu'une chose à faire: lui répondre, jusqu'à ce qu'enfin, peut être, je la perce à jour. ▬ « Vous comptez passer la nuit dehors, peut-être.. » ▬ « Pourquoi pas... L'air est vivifiant. Enfin reste à savoir ce que vous comptez faire de votre côté. Stationner devant ma porte toute la nuit, ou aller voir du pays ? Je ne vous chasse pas, attention, simple curiosité. » Je ne la chassais pas ? Pas pour l'instant, du moins.

▬ « C'est un chat, et ce ne sont que des mots. Attendez que je lui mette un coup de pied, et là, on en reparlera. » « - Que de violence ! » lançais-je sur un ton emplie d'ironie, le fixant toujours alors qu'il fuyait mon regard. . ▬ « Alors que celui qui a massacré cet animal rapporte lui même son corps à son maître? Vous avez vu quelque chose, peut être ? » j'esquissais un petit sourire à cette remarque, c'est fou ce que ce mortel était perspicace, bien trop d'ailleurs.. ferait-il partit de ces chasseurs dont j'avais entendu parlé mais qui n'avaient jamais croisé ma route ? Humm.. Cela devenait réellement constructif, comme rencontre. « - Et bien, pour tout dire, oui, j'ai vu un homme partir en courant comme un enfant.. si vous saviez ce que c'était drôle ! » je n'étais pas particulièrement douce dans mes paroles, bien que le cristal de ma voix devait en avoir l'air aux oreilles de mon interlocuteur, à vrai dire j'adorais ces figures de style pleines de moqueries et de sous-entendus. « - En revanche, je ne toucherais plus à ce truc, il a un goût infecte ! » ajoutais-je sur un ton dégoûté et superficiel, comme le ferait n'importe quelle fille parlant d'un vêtement de mauvais goût avant d'esquisser un sourire sombre.

J'aurais aimé connaître le goût de son sang, j'aurais aimé goûter à sa peau, mais je me contenais, voulant éviter de tuer un innocent, ce serait stupide à présent que j'avais quelque chose dans l'estomac, enfin façon de parler bien sûr. Je voyais bien qu'il attendait, quoi, je ne sais pas, mais il attendait, comme s'il réfléchissait à ce qu'il devait faire face à un être tel que moi. Lorsque je l'interrogeais sur le temps qu'il comptait passer dehors, il répondit, entre autre, que l'air était vivifiant, ce qui m'arracha un sourire, et sincère pour une fois.

Mais trêve de plaisanterie, il fallait faire avancer les choses. Je choisis donc de m'approcher, passant de la porte à quelques centimètres du jeune homme en un éclair, du moins à ses yeux. Le forçant à planter son regard dans le mien tant nous étions proches, je laissais planer un silence tendu, un danger imminent. Il sentait bon, bien plus que je ne le pensais, et sans que je n'y prenne garde, je finis avec l'index glissant sur les veines de son cou, dans un geste lent, presque une caresse. « - As-tu déjà goûté au Paradis ? » demandais-je sans avoir réellement conscience des dégâts que je pourrais causer si je ne retrouvais pas vite le contrôle total de mon être. On dit que les Vampires ont un effet hypnotique sur les mortels, mais eux, ont-ils conscience des effets qu'ils ont sur nous ? Je ne crois pas qu'ils en soient réellement conscient, toutefois il serait, celui-ci, capable de me rendre dingue sur l'instant s'il le désirait.

Dans un élan de lucidité, je fis quelques pas en arrière, sans perdre son cou et ses lèvres de vue, bien sûr. Il était plutôt pas mal, avec sa crinière d'or et sa peau sucrée, seulement ce n'était pas vraiment mon genre, je préférais le style sombre, et dangereux de préférence, c'est bien plus excitant. « - Je pourrais t'y faire prendre goût... L'Eternité n'est-elle pas tentante ? » une question que je laissais en suspend, laissant ma voix investir son esprit, sans pour autant user de la persuasion, car si réellement j'avais voulu le faire céder, cela serait déjà fait. Je parlais pour ne pas craquer, et aussi parce que j'aimais bien sa répartie. Etait-il résistant ? Je le saurais bien vite.

Bouh, c'est tout pourri

Je me sentais faible, impuissant, face à une beauté si obsédante. Son regard se posait sur moi avec envie, mais je savais que son désir n'était pas anodin. La faim qui la tiraillait en cet instant devait être puissante, mais pourquoi se retenait elle ainsi ? Jamais auparavant je n'avais connu une attente aussi insoutenable. Mes ennemis ne prenaient pas la peine de parlementer, en règle générale. Les vampires aimaient jouer, mais voulaient garder le contrôle coûte que coûte. Elle semblait différente. Comme si nos joutes verbales la détournaient d'un mal qu'elle ne voulait pas faire. Se pouvait il qu'elle ait renoncé aux hommes ? Cela aurait expliqué le corps inerte du chien, à quelques mètres de moi. Mais ça n'était pas suffisant pour la dédouaner complètement. Ses mots résonnaient en moi comme un écho dont je ne pouvais me défaire. Ses paroles m'ensorcelaient sans que je puisse rien y faire. Et j'ignorais s'il s'agissait là de son pouvoir vampirique, ou si sa seule beauté faisait remonter en moi des pulsions typiquement masculines. Si je ne connaissais pas la cause de cet émoi, l'effet, lui était bel et bien là. J'aurais pu sortir de ma poche le brin de verveine que j'avais emporté sur moi, en partant. Mais ce jeu dangereux auquel nous jouions faisait grimper mon taux d'adrénaline, et j'avais l'étrange impression qu'elle voulait qu'il se poursuive. Tant que l'un et l'autre n'auraient pas une attitude agressive, le jeu pouvait continuer.

Je tentais de reprendre pied dans la réalité. Ses mots n'étaient pas qu'un moyen de m'envoûter. Elle venait tout simplement de formuler un aveu. Je gardais le silence: réagir aurait été stupide, aucune réaction n'aurait été à la hauteur. Me dévoiler totalement? Un risque que je ne souhaitais pas courir en cet instant. Quant à feindre l'indifférence, cela m'aurait semblé plutôt déplacé. Après tout, elle avait tué un chien, et alors ? Elle avait agit ainsi pour ne pas s'en prendre à un homme, et c'est tout ce qui m'importait. Bon, peut être étais-je en train de lui trouver des excuses, parce que bien malgré moi, elle exerçait une certaine attirance. Je n'aurais pas su l'avouer. Et son sourire, lorsqu'elle entendit ma dernière phrase, ne m'aida pas à me défaire de ces pensées peu chrétiennes que j'avais en l'observant. J'avais ce don de faire rire les femmes, mortes ou vivantes, à l'aide de mes sarcasmes permanents... Bien sûr, toutes n'étaient pas réceptives, mais en règle générale, la gent féminine appréciait mes figures de style. A croire que si les vampires pouvaient exercer une influence sur les esprits, j'en avais également le pouvoir, à ma manière. M'attirer sa sympathie n'était peut être pas important, mais peut être aussi que cela pouvait me sauver la vie, si par la suite, l'envie lui prenait de me servir pour le dîner.

En un éclair, elle arriva à ma hauteur, sa démarche sensuelle s'alliant à une rapidité hors du commun. Je n'en fus pas surpris outre mesure. Elle n'était pas la première créature de la nuit à croiser ma route, et certainement pas la seule à exercer une telle fascination sur moi. Je me laissais prendre au jeu, certes, mais je n'en oubliais pas le danger pour autant. Vigilance permanente. A présent, mes yeux ne pouvaient plus fuir les siens. Ses prunelles bleues étaient irrémédiablement liées aux miennes, tandis que dans mon cou, je sentais l'un de ses doigts glisser lentement contre ma peau. ▬ « As-tu déjà goûté au Paradis ? » me dit elle, abattant d'un tutoiement l'ultime barrière qui nous séparait encore. Savait elle qui j'étais ? Je ne pouvais en tolérer davantage. Je la sentais tiraillée par le désir d'en finir avec cette tentation qui la rongeait. Et si elle succombait, j'étais mort. Voire pire encore. Comme elle. Condamné à l'errance éternelle. ▬ « Toutes les femmes se pensent plus désirables que les autres... En quoi ton Paradis pourrait il être meilleur ? »
Mon expérience de chasseur m'avait donné une capacité à me mouvoir sans un bruit. Aussi, dans le silence le plus complet, j'avais déplacé mon bras jusqu'à la poche arrière de mon pantalon. Là, se trouvait la fameuse herbe qui annulerait l'emprise dévastatrice qu'elle maintenait sur moi. Mais je n'eus pas besoin de m'en servir. Car elle comprit visiblement qu'elle avait été trop loin. Elle recula, mettant de la distance entre nous. J'ignorais encore son nom, mais ses actes se dessinaient en revanche avec plus de clarté. Malgré moi, j'étais la cause de son désir autant que de ses souffrances. Ma chair lui faisait envie, elle réclamait mon sang, et pourtant, elle luttait pour ne pas succomber. J'aurais pu lui faciliter la tâche, et rentrer chez moi. Là où elle ne pourrait pas me suivre. Mais cette tentation, j'en étais victime, moi aussi. ▬ « Je pourrais t'y faire prendre goût... L'Eternité n'est-elle pas tentante ? » ▬ « L'éternité est bien trop longue pour moi. Et semer la misère et la mort me répugne. Même l'Enfer ne voudrait pas vous accueillir. Pourquoi voudrais je rejoindre les rangs des damnés? Même toi tu ne pourrais pas m'en convaincre. » C'était vrai: même son enivrante beauté ne saurait m'en faire changer d'avis... Combien d'amis étaient morts en affrontant les siens ? Combien viendraient à pleurer la mort d'un fils, d'un frère, mort entre les bras d'un vampire ? Ces créatures en proie à une tentation permanente, un besoin constant de se nourrir. Tels des drogués, ils ne pouvaient se passer de leur dose. Et cette dose, malheureusement, coulait entre mes veines. ▬ « Et maintenant? Je ne suis pas comme ce chien, ou son maître. Je connais les tiens, et je sais m'en protéger. Alors puisqu'on sait tout l'un de l'autre,ou presque. Il serait peut être temps de me dire ton nom? »

Les mots valsaient entre nous comme une fine barrière, ils étaient la seule raison pour laquelle je ne lui avait pas encore sauté à la gorge. Calme. Il fallait que je fasse régner le calme dans mon esprit, que j'apaise l'être assoiffé de sang qui se débattait pour prendre le contrôle, pour que j'attaque. Je n'ai pas prêté attention à ce qu'il disait, bien trop obnubilée par les battements de son coeur sur lesquels je fixais la cadence de mes pensées. Il fallait que je trouve une occupation, que mes doigts s'agrippent à quelque chose pour me donner une contenance, celle de mes pensées morbides. Stop !

Il était vrai que l'éternité était longue mais cette discussion couplée à la tension qui régnait rendait les secondes aussi interminables que toute une vie de supplices. Il ne voulait pas du Paradis, qu'il ne jugeait pas au dessus de celui des autres femmes, ni du cadeau d'une vie sans fin, qu'il trouvait bien trop atroce. Et de toute façon, je n'avais pas franchement envie de lui faire subir ce que je vivais au quotidien. Ne préférant rien répondre, je fis de nouveaux quelques pas en arrières pour m'asseoir sur une des deux marches se trouvant à l'entrée de la maison, ne voulant surtout pas l'offenser en choisissant une chaise, et de toute façon, ça m'était égal.

. ▬ « Et maintenant? Je ne suis pas comme ce chien, ou son maître. Je connais les tiens, et je sais m'en protéger. Alors puisqu'on sait tout l'un de l'autre,ou presque. Il serait peut être temps de me dire ton nom? » Quel long discourt ! Tout ça pour demander mon nom, ce qui reste particulièrement stupide, quel intérêt d'avoir mon nom ? Je pourrais lui mentir, qu'en saurait-il après tout ? Remarquons toutefois que je n'avais aucun intérêt à ne pas le lui donner, la discussion permettrait de calmer mes ardeurs et lui éviterait certainement de me prendre pour un monstre sanguinaire qui ne désire qu'une chose : vider tout ce qu'elle croise. « - Ici, on m'appelle Rorye. » affirmais-je calmement, fixant le sol pour ne pas croiser ni son regard, ni la couleur de sa peau. « - Mais en toute connaissance de ma nature, je me dois peut-être de donner mon nom complet.. » Marquant une pause, je cherchais à me persuader qu'il ne s'en servirait pas pour me nuire. Après une longue tagiversation, je finis par reprendre la parole, consciente que mon nom de famille risquait de lui hérisser les poils, après tout, ma famille était connue depuis des siècles pour être victime des pires maux.. entre disparitions mystérieuses, accusations de sorcellerie et de vampirisme, aucun chasseur de pouvait en ignorer l'existence. « - Aurore Sylfe Ever Hemingway.. »

J'ai mis un moment avant d'oser relever le regard, craignant qu'il ai l'intention, malgré tout, de m'éliminer. Mais reprenant un peu d'assurance, j'esquissais un sourire, ajoutant au passage : « - Oui, je sais, ce n'est pas glorieux. » Me décalant pour lui laisser le passage, au cas ou il désirerait rentrer chez lui, se protéger, s'enfermer à double tour, ou je ne sais quelle autre fantaisie. « - Serait-ce trop demandé qu'un retour d'identité ? Ou dois-je te considérer comme une repas anodin ? »

Cette femme n'avait, semble t-il, peur de rien. Ou du moins, comme beaucoup d'autres de son espèce, elle dissimulait ses craintes à merveille. M'ignorant presque, elle alla s'installer au pied de mes marches, visiblement décidée à rester. Bien malgré moi j'admirais sa témérité. Elle avait du comprendre, à présent, que je n'étais pas l'un de ces banales habitants de Sheridan, en quête d'un peu d'aventure avec une intrigante inconnue. Elle devait désormais se douter que je chassais ceux de son espèce, du moins ceux qui s'en prenaient aux miens. Et qu'en la voyant là, si forte et si vulnérable à la fois, elle ne risquait pas grand chose. Ne venait elle pas de me prouver par deux fois qu'elle savait résister à la tentation ? Avoir tué ce chien plutôt que son maître, et surtout, m'avoir épargné alors que j'étais à sa merci n'étaient pas deux gestes anodins. Pour ce soir, au moins, elle ne ferait pas partie de mes proies, tant que je ne serais pas sur la liste des siennes. Après mon long discours, je doutais d'avoir une réponse. Mes jugements hâtifs sur ceux de son espèce avaient trop souvent raison de moi, et déjà je l'imaginais m'envoyant balader, me conseillant de ne pas poser trop de question. Aussi, sa réponse me fit elle sourire. Elle me surprenait. Je n'avais que rarement pour habitude de mettre un nom sur Leur visage. Le sien, en particulier, me semblait pur et envoûtant, y mettre un nom pouvait le rendre quelconque, ce qui semblait être une hérésie. Et pourtant, loin d'avoir un nom banal, celui ci ne faisait que renforcer son unicité. Car oui, je la considérais déjà comme unique, alors que je ne savais rien d'elle, si ce n'était ce qu'elle avait bien voulu m'en dire, à demi mots. Elle m'était unique, parce qu'elle était l'une des premières de son espèce que je décidais d'écouter. Tendre l'oreille n'était pas une de mes qualités, et avec une personne aussi dangereuse, je ne m'attendais pas à réagir ainsi. Calme, posé. Presque sage. J'étais le premier surpris par mon attitude. Mais je n'allais pas m'en plaindre, agir autrement m'aurait certainement coûté la vie, et honnêtement, je l'aurais bien cherché, pour la peine.

Elle semblait vouloir se montrer honnête, cette Rorye, comme elle disait s'appeler. Au point, visiblement, de vouloir me révéler son véritable nom. Ce dont je fus plus étonné encore, mais que j'évitais à tout prix de montrer. ▬ « Aurore Sylfe Ever Hemingway.. » me dit elle simplement. Un nom sublime autant que triste... S'appeler Aurore, lorsqu'on craint la lumière du jour, n'est ce pas là une punition terrible ? Certes, je savais parfaitement que les vampires, s'ils possédaient une pierre spéciale, pouvaient s'exposer aux terribles rayons de l'astre du jour. Mais dans le cas présent, la comparaison était plutôt étrange. En guise de réponse face à ses récentes révélations, je me contentais de la regarder, intrigué, et un peu plus fasciné encore face à tant de vérité. Je n'en demandais pas tant. Son nom, Hemingway, m'avait immédiatement fait réagir. Il ne m'était pas inconnu, car comme tout chasseur de vampires, j'avais reçu un rapide cours d'Histoire sur les familles les plus néfastes. Et celle d'Aurore, ou Rorye, puisqu'elle préférait se faire appeler ainsi, était l'une des plus cruelles. Non, en effet, comme elle le disait elle même, il n'y avait rien de glorieux à porter ce nom. Et j'étais par conséquent plus surprit encore de la trouver assise paisiblement face à moi. Et comme si par ce patronyme, elle craignait que je la juge, elle me laissa une place suffisante pour passer à côté d'elle, et rentrer chez moi. Mais contrairement à ce qu'elle semblait vouloir croire, je ne fis pas un geste.

J'étais intrigué. Son charme n'y était, cette fois, pour rien. C'était ses actes, ses mots, plus que son pouvoir, qui me laissaient perplexes. Jamais auparavant l'un des siens et l'un des miens n'avaient prit le temps d'échanger quelques banalités. Sa famille faisait régner la terreur chez les hommes, et j'étais membre d'un groupe qui ne laissait pas le temps aux vampires de raconter leurs exploits. Nous les tuions, avant qu'ils ne nous tuent. Je ne pouvais donc pas la laisser en plan, sans profiter davantage de cette chance de parler à quelqu'un comme elle. Chance qui ne se représenterait peut être plus par la suite. ▬ « Serait-ce trop demandé qu'un retour d'identité ? Ou dois-je te considérer comme une repas anodin ? » Je m'exécutais, l'observant toujours, debout à quelques pas d'elle, peu à peu plus à l'aise face à cette situation peu ordinaire. ▬ « Je suis Simon. Comme l'indique ma boite aux lettres, d'ailleurs. Simon Connor Wright. Désolé de ne pas avoir un nom plus banal... Encore qu'ici, les Wright ont toujours su faire parler d'eux. » Et voilà que je racontais ma vie... N'importe quoi. Histoire de ne pas passer pour un crétin congénital, j'enchaînais presque immédiatement. ▬ « J'espère que mon nom suffira à ne pas être transformé en repas anodin ? » L'humour, mes amis, était encore ce que je maîtrisais le mieux dans ce genre de situations désespérées.